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Les activités sportives péri-scolaires ont le mérite de proposer aux jeunesses locales toutes sortes de divertissements possibles dans les paysages qu'ils habitent. Sortie VTT, accrobranche, tournoi de football qui, de week-end en week-end, passe de commune en commune - chacune son stade. Mais l'objectif de fin d'année, c'était souvent la descente de la rivière d'Ain. Bien qu'elle peine à dépasser le mètre de profondeur à partir du mois de juin, et que par conséquent les canoës sont plus souvent poussés sur les bancs de graviers que propulsés dans des rapides, cette perspective nous réjouissait. Notre apprentissage de la glisse et du maniement des pagaies se faisait à la base de loisirs de Longeville, sur un lac artificiel qui, comme la plupart des retenues d'eau ici, est une ancienne gravière. On nous confiait une combinaison élastique version short qu'on enfilait derrière le bâtiment d'accueil. Le moniteur distribuait un kayak en fibres électrostatiques et des gilets de sauvetage qui ridiculisaient les prétendus beaux gosses de la classe. Nos Nike faisaient splash avant même qu'on ait mis le pied dans l'embarcation. Un tiers de la séance était sacrifié à ces préparatifs. On pouvait tenter d'attraper des écrevisses ou ramasser des coquilles de corbicules en attendant dans les algues. Après quelques exercices de slalom au bout du lac, là où l'on entend l'autoroute passer, le professeur d'EPS mettait sa robe et nous faisait une démonstration d'esquimautage. Elle relevait plus de la parade que d'une technique de survie, et faisait son petit effet sur les accompagnatrices. Personnellement, ça ne m'a jamais rien dit de chavirer.
Sur le plan de la rivière, il suffit de choisir un pont de départ et pont d'arrivée. Poncin, Neuville, Pont d'Ain, pont SNCF, pont d'autoroute, Priay, Gévrieux (d'où les garçons sautent en fin de journée), Chazey, et après ça fait trop loin. Le parcours était un lent travelling, le long duquel de micro-événements nous apparaissaient sur les deux rives. Pique-niques en famille, octogénaires sportifs ultra-bronzés, nudistes, lendemains de cuite autour d'un feu, tubas fluos, lectrices sous parasol, enfant au bord de la noyade, saut à la corde, pêche de vairon à l'épuisette, remontée du courant en crawl. Au milieu du cours d'eau, on pose la rame sur nos cuisses qui commencent à rougir, ça fait un léger clapotis, puis tout devient silencieux. Le gilet de survie gratte un peu, on l'enlève discrètement. Dessous, ça sent bon la vase et le monoï.